Itinéraire
Acropole de Populonia

Introduction (Point de rencontre)
Bienvenue dans le Parc Archéologique de Baratti et Populonia, où vous pourrez contempler les vestiges archéologiques d'une ancienne cité, ainsi que de quelques uns parmi les paysages les plus magnifiques de la Toscane. Populonia est sans doute l'une des cités étrusques les plus célèbres. Son histoire millénaire, ses particularités géographiques et économiques liées à la métallurgie du fer ont fait de cette ville un véritable centre sidérurgique du monde antique. Les traces de l'origine de la cité remontent à la nuit des temps. Les sources anciennes évoquent des colons venus de Volterra et de l'île de Corse qui décidèrent de construire une nouvelle cité sur cette colline ; toutefois, il s’agit-là d’une version bien trop simpliste pour être crédible. Les fouilles archéologiques attestent plutôt, entre le Xe et le IXe siècle avant notre ère, un déplacement des villages habités vers les collines et les pentes des reliefs formant le promontoire délimité par le Golfe de Baratti. Nous savons très peu de choses sur la nature de ces villages pré-étrusques et sur les relations qu'ils entretenaient les uns avec les autres. De très récentes fouilles ont mis en évidence, à quelques mètres de l'endroit où vous vous trouvez, sur une hauteur appelée « Poggio del Telegrafo », ou Coteau du Télégraphe, plusieurs trous de tailles différentes où étaient initialement enfoncés les poteaux des huttes construites par ces premiers habitants. Les trous qui contenaient les poteaux, bien que peu attrayants d'un point de vue visuel, sont cruciaux pour comprendre la forme et la composition du village : certaines huttes étaient de taille considérable, et la découverte de céramiques d'importation laisse penser à une société précocement civilisée, dirigée par une élite qui gérait l'économie et la politique de la région. Un jalon fondamental fut la reconstruction, du moins en plan, d'une grande hutte rectangulaire munie d'un portique, qui, après avoir été utilisée par la communauté comme lieu de réunion publique, fut démolie entre le VIIIe et le VIIe siècle avant notre ère, pour en construire une similaire sur les fondations de la précédente. La démolition de la hutte fut accompagnée par la déposition très méticuleuse et raffinée d’environ 100 coupes empilées les unes sur les autres dans l'un des trous destinés aux poteaux structurels. L'interprétation de ce geste rituel demeure controversée : on pourrait toutefois penser à un passage de pouvoir, à un changement à la tête de la cité. Un roi très aimé serait décédé et, après avoir célébré l'événement avec un banquet sacré, la hutte aurait été démolie et les coupes enfouies. Ou peut-être que le roi s'était révélé être un tyran, et sa mort aurait été célébrée en saluant l'avènement d'un nouveau souverain. Ce rituel nous indique que c'est sur le Poggio del Telegrafo que naquit la cité étrusque de Populonia. Quelques siècles plus tard, nous retrouvons la zone collinaire plus élevée entièrement aménagée : elle est devenue le quartier le plus important de la cité étrusque de Populonia. Des boutiques, des temples et peut-être même des édifices publics donnent sur des places animées et pleines de monde. Populonia n'est plus un petit village sans nom défendu par une palissade : des milliers d'ouvriers travaillent dans les fournaises de la ville basse, traitant le fer de l'île d'Elbe et le cuivre des mines de Campiglia. Pensez-y, même aujourd'hui, après plus de deux millénaires, vous pouvez facilement retrouver sur la plage du Golfe les traces de dette antique activité : des poussières scintillantes d'hématite et de sombres résidus de fer. Nous voyons là une ancienne cité industrielle : polluée, dépourvue de végétation et remplie de rejets industriels. L'Acropole, la cité haute, représentait un paradis en miniature dont, malheureusement, il ne reste plus rien de l'époque étrusque. La cité passa sous l'égide des Romains vers le IIIe siècle avant notre ère, et les constructions de la grande restructuration urbaine du IIe siècle avant notre ère effacèrent à jamais les vestiges étrusques. Et maintenant, prenons une pause. Romains et Étrusques s’affrontèrent sur le champ de bataille à de nombreuses occasions. Nous pouvons imaginer de grandes batailles de proportions épiques, des sièges et des destructions pour le contrôle de l’Étrurie, le riche territoire étrusque. Pourtant, les fouilles archéologiques à Populonia n'ont pas révélé de traces évidentes de destruction. La cité n'a donc pas eu la force de résister à la puissance de Rome, et les aristocraties locales, alignées sur le nouveau pouvoir, ont pu ainsi conserver leur rôle dans la gestion de la ville. La richesse des ensembles funéraires de cette période et l'incessante activité métallurgique témoignent d'une nouvelle impulsion économique malgré la domination romaine, qui initialement fut assez indirecte. Tout ce que vous verrez aujourd'hui sur l'Acropole est en réalité le fruit de travaux de construction de l'époque romaine, allant du IIIe jusqu’au IIe siècle avant notre ère, qui sont en train de revoir le jour petit à petit. En fait, les fouilles n’en sont qu’à leur début, et il reste encore beaucoup plus à découvrir sur la complexité urbaine de la cité haute. Vous avez donc l'occasion de visiter un site archéologique ouvert qui, au cours des prochaines années, révélera de nombreuses surprises.

Zone sacrée (entre le Temple A et le Temple B)
Nous venons d'entrer dans ce qui était la zone sacrée de l'Acropole romaine de Populonia. Jusqu'à présent, trois temples grandioses ont été mis au jour. Il ne reste que très peu de l'ancienne splendeur : seules les embases de ces temples sont visibles, car, au Moyen ge, les blocs avec lesquels ils avaient été construits ont été démontés un par un et prélevés afin de construire de nouvelles structures (comme le Château de Populonia Alta, par exemple). Ici, dans la zone devant les temples, se déroulaient les grandes cérémonies religieuses. Les citoyens assistaient aux sacrifices en faveur des dieux sur les autels qui faisaient face aux édifices sacrés : personne, pas même le plus riche parmi les habitants, n'avait le droit d'entrer dans la Maison du Dieu ou de la Déesse. Seul le prêtre, l'intermédiaire entre le monde sacré et le monde profane, pouvait y accéder. Le temple A fut construit en pierre dite « macigno », ou « roc », une sorte de grès gris foncé très résistant ; l’édifice avait une forme compacte, définie par 4 colonnes entourant un petit portique qui séparait la cellule de l'espace extérieur. Malheureusement, l'identification de la divinité à laquelle il était dédié reste inconnue. Cependant, grâce à la cavité visible dans les fondations, nous pouvons affirmer que ce lieu avait été dédié au culte dans une période précédant la restructuration de l'époque romaine. La découverte fortuite de quelques têtes sculptées, nous permet de situer la construction du temple vers la moitié du IIe siècle avant notre ère. Le temple B est le plus grand de tous les édifices sacrés mis au jour jusqu’ici. Magnifique et imposant, il devait impressionner par ses dimensions. Malheureusement, une partie du temple s'est effondrée ; toutefois, grâce aux fondations et à quelques marches qui ont survécu jusqu’à nos jours, on peut encore entrevoir l'ancienne grandeur de ce lieu de culte, créé entre le IIIe et le IIe siècle avant notre ère. La présence de trois grandes cellules a immédiatement suggéré aux archéologues l’existence d’une triade de divinités auxquelles ce temple était dédié. Cette hypothèse à été confirmée par la découverte de fragments de décorations sculpturales : en premier lieu, un personnage prisonnier entre les serres d'un rapace. Il s’agit d’un indice qui permet d'identifier le temple B avec le capitolium de Populonia, le Capitole, soit l’édifice religieux le plus important, habituellement dédié à Jupiter, Junon et Minerve. Le fragment de statue fait référence à l'un des mythes les plus célèbres du monde gréco-romain : Jupiter, lors de l’une de ses escapades extraconjugales habituelles, tombe follement amoureux du jeune Ganymède qu'il enlève en se transformant en aigle, afin de l’emporter avec lui sur l'Olympe et en faire l’échanson des dieux, soit celui qui était chargé de leur verser à boire. Pline l'Ancien, l'historien romain qui périt lors de l'éruption du Vésuve en l’an 79 de notre ère, écrivit qu'il existait à Populonia une très ancienne statue de Jupiter sculptée dans du bois de vigne de Chypre, confirmant ainsi l'existence d'un culte de Jupiter dans la ville.

Petit temple – Hadrien a Populonia
Sous le règne de l'empereur Hadrien, en signe d'evergétisme envers la vieille cité alliée de Rome et en hommage aux dieux, les temples furent restaurés et le petit temple que vous voyez devant vous fut construit. Ce petit temple a été érigé sur un édifice plus ancien, datant environ de l’an 50 avant notre ère. Il était constitué de deux pièces, précédées d'un escalier de trois marches. Comment le savons-nous ? Pendant les fouilles de cette zone, les archéologues ont découvert les pavements de ces deux pièces, composés de petits fragments de marbre blanc et de mortier. Une grande partie des murs périphériques, par contre, ont été démontés dès le Moyen ge, afin de récupérer du matériau de construction. Sur le devant, il ne restait qu’une seule rangée de pierres, sur laquelle était sans doute posée la première des trois marches de l'escalier d'entrée. Le sol de la première pièce a été creusé, et en dessous, les fouilles ont découvert un amas de débris provenant des temples, ce qui suggère clairement que ces édifices sacrés étaient déjà en ruine lorsque le « tempietto », le petit temple, a été construit. Parmi ces débris se trouvaient des céramiques qui furent utilisées entre les années 80 et 120 de notre ère : une datation qui concorde bien avec un fragment d'inscription en marbre, découvert dans la zone des temples. Le fragment est petit mais suffisant pour lire le nom de l'empereur Hadrien et une partie d'une phrase rituelle, utilisée pour célébrer la restauration d'anciens édifices. Probablement, l'inscription complète était placée sur la façade du petit temple, donnant sur la grande place et donc clairement lisible par quiconque traversait la zone sacrée de l'acropole à cette époque. Sur le fragment, il est encore possible de lire le texte suivant : L'EMPEREUR CÉSAR, FILS DU DIVIN TRAJAN VAINQUEUR DES PARTHIENS, PETIT-FILS DU DIVIN NERVA, TRAJAN HADRIEN AUGUSTE, GRAND PONTIFE, 9 FOIS TRIBUN DE LA PLÈBE, 3 FOIS CONSUL, A RESTAURÉ (CET ÉDIFICE) ABÎMÉ PAR LE TEMPS.

Temple C
D'un point de vue de la préservation et de la lisibilité, le troisième des trois temples s'est avéré être le plus complexe : seuls très peu de blocs sont restés en place. Ainsi, il a été choisi pour une expérimentation novatrice de reconstruction non invasive qui a concerné le podium d'origine. Des blocs de polystyrène industriel revêtus de résine synthétique reproduisent fidèlement les mesures, les couleurs et les formes de l'ancien temple, doublé en blocs de calcarénite et pourvu d’un escalier d'accès en rhyolithe, une pierre d’origine volcanique, pour nous restituer l'ancienne sensation imbue de sacralité que l’on pouvait ressentir en s’approchant du temple. Construit entre la fin du IIIe siècle et le début du IIe siècle avant notre ère, quelque peu précédent au Temple B, cet édifice sacré était typique de la région, bâti sur un podium, ou soubassement, à trois cellules, avec deux rangées de deux colonnes centrales dans le pronaos, ou vestibule d’entrée, et fermé sur les côtés par des antae, ou colonnes antérieures, qui se succédaient jusqu’à la façade, accessible par un escalier. Le podium mesurait 1,83 m de haut. L'escalier comprenait 5 marches plus larges (mesurant 7,96 m) suivies de 3 marches plus étroites (mesurant 4,40 m), pour un total de 9 marches pour atteindre l'intérieur du temple. Le soubassement mesurait 16,08 m de large, soit 54 pieds romains, et 21,35 m de long, soit 72 pieds, ou 77 si l'on considère l'escalier, pour une longueur totale de 22,87 m. Les murs intérieurs mesuraient 7,5 pieds, soit entre 2,5 et 3,00 m. À l'intérieur, il était divisé en trois pièces, une centrale plus grande et deux latérales plus petites et légèrement différentes. La première hypothèse envisage que le temple C était dédié à trois divinités, une principale logée dans la cellule centrale, les deux autres mineures dans les cellules latérales. Il s’agirait notamment d’une triade identifiée à Cérès, Liber et Libera, liée donc au cycle des saisons, comme le suggèrent les épis de blé, les grenades, les vignes, les coings représentés sur les fragments de la décoration du temple ayant survécu jusqu’à nos jours. En réalité, les fouilles n'ont pas encore permis de clarifier si les cellules plus petites étaient effectivement latérales, ou bien s'il s'agissait de simples pièces communicantes avec la cellule centrale pour le dépôt d'ex-voto ou d'autres objets sacrés. Selon cette seconde hypothèse, le temple serait donc dédié à une seule divinité, peut-être Hercule (Héraklès). Un miroir provenant d'Orvieto, en effet, représente Hercule associé à Fufluns, une divinité étrusque agreste. Il se peut que les éléments végétaux représentés ne soient pas une simple décoration, mais fassent plutôt référence à cette association, où Hercule joue un rôle de protection des cycles végétatifs. Ainsi, la présence d'un génie ailé sur la décoration pourrait également s'expliquer comme la personnification de la force de la nature associée à la fois au monde terrestre et au monde chtonien, tout comme Fufluns, auquel est associé le groupe de raisins. Dans la zone du temple C, les fouilles ont aussi mis au jour un ex-voto anatomique, une main, ainsi que des fragments de pocola deorum, ou « vases à boire des dieux » présentant souvent une dédicace cultuelle ; ceux qui ont été découverts dans ce temple sont notamment liés à Hercule (Héraklès). Le culte d’Hercule était déjà attesté à Populonia même à une époque antérieure, et il aurait pu trouver ici une nouvelle demeure sacrée.

Citerne et arrière du Temple C
À l'arrière de la reconstruction du temple C, on peut observer les blocs originaux de calcarénite qui constituaient le parement extérieur de la structure et en tapissaient le noyau en grès de type « macigno », ou « roc ». Au-delà du temple, il est possible de voir d'autres bâtiments, qui étaient sans doute aussi liés aux activités cultuelles. À gauche, après quelques marches, la vue s’ouvre sur la grande citerne ; bien qu’elle n’ait fait l’objet que de fouilles partielles, elle révèle clairement son usage d’antan, soit un immense collecteur d'eau de pluie (jusqu'à 500 m3), qui était recueillie à travers un système très sophistiqué de récolte et de canalisations qui s'étendait sous chaque bâtiment de l'acropole. En effet, Populonia ne disposait pas de sources d'eau naturelles, et chaque goutte de pluie était méticuleusement recueillie pour assurer l'approvisionnement en eau de la cité. Dans un monde où chaque aspect de la vie, y compris l'acte de construire, était imprégné de sacré, cette impressionnante transformation urbaine fut certainement accompagnée de rituels expiatoires et de célébrations propitiatoires. Nous en trouvons un écho dans le dépôt votif d'une assiette avec des restes de porcelets, liés à un sacrifice qui impliquait la consommation collective et rituelle de viande, dans le complexe de la grande citerne publique de la cité. L'eau, élément sacré, ne pouvait être emprisonnée par les œuvres de l'homme, et son cours naturel ne pouvait pas être détourné pour les besoins des mortels, sans que l'acte ne soit expié, tout comme l'acte même de profaner la terre, lorsque l'homme entrait en contact avec les divinités chtoniennes. La citerne a curieusement connu une nouvelle vie plus « récente », après l'abandon progressif de l'Acropole à l'époque romaine, au Ier siècle de notre ère. Le grand espace souterrain, couvert d'une double voûte en berceau, était doté d'un escalier monumental d'accès, en dalles et blocs de calcarénite, sur les côtés desquels s'ouvraient des niches. La citerne avait perdu sa fonction originale et, en raison de ses caractéristiques d'environnement souterrain, elle a peut-être été utilisée comme lieu de culte mystérique dès la fin de l'époque impériale romaine. L'hypothèse la plus fascinante suggère que ce lieu fût alors dédié au culte de Mithra. Et en effet, cette zone de l'acropole a continué à vivre longtemps : à partir du IXe siècle de notre ère, un petit habitat a été construit dans la zone derrière le temple C. Jusqu'à présent, les fouilles ont mis au jour deux maisons en bois avec leurs foyers respectifs, ainsi que quelques tombes à caisson et une ruelle, qui suggère une sorte de colonisation de l'acropole romaine, abandonnée depuis longtemps, afin d’échapper aux fréquentes incursions de pirates et de brigands sarrasins et grecs le long de la côte.

Voie Pavée
Devant nous s’étend une magnifique voie pavée romaine, conservée dans un état excellent, et insérée dans un réseau d'axes orthogonaux qui définissaient l'urbanisme de la cité. Elle cache beaucoup plus de secrets que l'on pourrait penser. Les Romains construisaient généralement des routes pour faciliter le déplacement de leurs puissantes armées, pour faciliter les échanges et le commerce, et pour rendre la vie en ville plus organisée et agréable. Cependant, notre route est vraiment trop courte pour une armée, et sa pente d’environ 11% est décidément trop raide pour avoir pu être utilisée par des chariots. En effet, sur sa surface nous ne voyons pas les profondes ornières caractéristiques du passage continu des roues. Pourquoi donc cette ruelle a-t-elle été construite ? Probablement il s’agissait d’une route à emprunter lors d'occasions solennelles, construite dans le but explicite de relier la zone sacrée des temples au bâtiment à arcades que l'on aperçoit au bout de son parcours, probablement un sanctuaire maritime en terrasses dédié à Vénus. Il s'agissait donc d'un parcours sacré. La voie était bordée d'un trottoir, composé de grands blocs de calcarénite, et des bâtiments étaient situés de chaque côté. À certains endroits, on peut apercevoir les axes routiers secondaires, également pavés, perpendiculaires à la route principale, qui délimitaient les rues et les quartiers de l'acropole. Sous les pavés, un grand collecteur central et un système complexe de canalisations et de petites citernes acheminaient l'eau vers le bas, en direction de la grande citerne de la ville.

Domus
Nous nous trouvons devant la maison la plus luxueuse découverte à Populonia, l'une des plus grandes de toute l'Étrurie ! Cette maison ou domus donnait directement sur la rue principale de la ville qui descendait vers les temples. Le propriétaire devait être une personne très en vue, vivant ici avec sa famille, y compris des esclaves domestiques. La maison était vaste et complexe, car elle devait assurer de nombreuses fonctions différentes : elle abritait par exemple les logements de la famille, les quartiers des esclaves et les espaces de service, tels que la cuisine et le garde-manger. Les pièces les plus somptueuses occupaient le centre de la demeure et devaient témoigner du rang élevé du propriétaire aux yeux des visiteurs. La pièce principale était l'atrium, et c'est de là qu'on accédait à tous les autres espaces. C'est dans l’atrium que se rassemblaient toutes les personnes, entre autre les clients, qui venaient rendre visite au maître chaque matin pour lui demander des faveurs ou traiter des affaires avec lui. Dans d'autres pièces et dans le jardin derrière l’édifice, le propriétaire invitait ses amis et les hôtes de plus haut rang. La maison fut construite vers l’année 100 avant notre ère, sur le même emplacement d'une structure précédente dont la datation est encore incerteine. Les petites thermes visibles à droite du bâtiment ont été ajoutées par la suite, peut-être lorsque tous les planchers que nous voyons aujourd'hui avaient été placés. La maison a été abandonnée après un incendie, environ 150 ans après sa construction. Seule une moitié de la maison a survécu. Depuis la rue, on pénétrait dans le vestibule (A) puis dans le couloir (B) qui débouchait sur l'atrium (C). En continuant dans le même alignement, on trouvait le tablinum (D), un grand salon ouvert vers l'atrium. Deux annexes latérales de l'atrium étaient appelées « ailes » : nous n'en voyons qu'une (E). À droite se trouvaient les thermes (F) ainsi que quelques pièces de service (G). Depuis la porte à l'arrière du tablinum, on accédait à un jardin (H), sur lequel s'ouvrait également une vaste pièce (I), peut-être une salle de banquet (ou triclinium) où le propriétaire dînait avec ses invités. Au centre de l'atrium, nous voyons le bassin peu profond de l'impluvium (L) qui recueillait l'eau de pluie tombant par l'ouverture rectangulaire présente dans le toit (ou compluvium) ; de l'impluvium, l'eau arrivait dans une citerne souterraine située sous le jardin. Quelques marches encore présentes dans les pièces de service suggèrent que la maison avait également un deuxième étage (M).

À l'intérieur de la Domus
Entre les années 100 et 80 avant notre ère, la maison s'est enrichie de deux espaces thermaux destinés aux pratiques d'hygiène de la famille, et peut-être aussi de leurs invités. L'introduction de ces services privés témoigne d'une richesse considérable des propriétaires, car à cette époque, les salles de bains pourvues d’eau chaude étaient encore rares à l'intérieur des habitations. L'entrée dans les thermes se faisait par une petite pièce qui servait à éviter l'entrée de l'air froid de l'extérieur. L'espace était construit avec des murs en argile, aujourd'hui disparus, et était fermé par deux portes, une à l'entrée de l'atrium et une seconde menant à la première salle thermale. Celle-ci est très simple, avec un sol en cocciopesto, un revêtement imperméable fait de débris de terre cuite écrasés, et n'était pas chauffée, sauf peut-être en hiver par un brasier. Ici, on pouvait se déshabiller avant d'entrer dans la salle chaude, appelée caldarium, en posant ses vêtements sur un banc ou sur des étagères. Sur le côté droit de la pièce, une cloison créait un coin réservé, où se trouvait soit une baignoire pour le bain de nettoyage, soit des toilettes : nous ne le savons pas avec certitude, car l'élément encastré dans le sol a été retiré lors d'une des nombreuses opérations de pillage subies par ce lieu. Deux marches permettaient d'entrer dans le caldarium, en traversant un seuil en mosaïque à carreaux. Cette salle est surélevée par rapport aux autres, car il fallait créer une cavité pour loger le système de chauffage sous le pavement, appelée hypocauste, qui est parfaitement conservé. L'air chaud produit par le fourneau, le præfurnium, circulait dans l'hypocauste, chauffant ainsi la salle, avant d’être évacué à l’extérieur par deux petites cheminées circulaires, placées dans les coins du mur qui longeait la rue. Ce fourneau était situé dans un coin de la pièce adjacente. Le feu chauffait également des chaudières remplies d'eau qui, à travers des tuyaux, remplissaient le bassin dédié aux bains chauds, situé juste en face de l'entrée du fourneau. De ce bassin il ne reste que la marche d'accès, magnifiquement décorée. À gauche de celle-ci, une exèdre semi-circulaire abritait un bassin en terre cuite ou en marbre, reposant sur une base. Cet autre bassin était rempli d'eau froide et servait, au besoin, à se rafraîchir et à atténuer les effets de la chaleur élevée. L'aménagement du caldarium était complété par des bancs disposés le long des murs, où l'on pouvait se détendre pour profiter de la chaleur et transpirer, ou pour recevoir des massages avec des huiles parfumées. Des esclaves étaient affectés à cette tâche, ainsi qu'au bon fonctionnement du système de chauffage et au nettoyage des lieux après l’utilisation. Cette salle était rendue encore plus agréable grâce à des décorations simples mais d'une grande élégance. Sur la mosaïque en calcaire blanc, se détachent, en ressemblant à de petits tapis, les contours du méandre central, du motif semi-circulaire qui borde l'exèdre, ainsi que de la bande décorative représentant les murs de la ville, qui précède la marche du bassin ; celle-ci est ornée d'un motif en damier. Le revêtement des murs est réalisé en cocciopesto peint en rouge, rehaussé de tuileaux blancs formant des motifs géométriques simples, ou plus complexes comme sur les marches du bassin. Sans aucun doute, la suite thermale devait être la fierté de ses propriétaires !

Terrasse supérieure des loggias et belvédère
La Terrasse Supérieure des Loggias offrait une vue extraordinaire sur la rue et la zone des temples. Le belvédère était orné d'une décoration vraiment exceptionnelle, réalisée avec une grande habileté technique et artistique. Sur les murs, de grands panneaux peints aux couleurs vives imitaient différents types de marbre, entrecoupés de demi-colonnes en stuc imitant aussi celles en marbre. Le plafond était à caissons, de différentes nuances de rouge et de blanc. Le pavement était en mosaïque blanche, bordée d'une bande rouge et rehaussée d'un motif central de cubes en perspective, réalisés avec des bandelettes de marbre. Après l'abandon du bâtiment, le Belvédère s'était effondré sur la pièce sous-jacente, utilisée comme entrepôt, où les archéologues l'ont patiemment et méticuleusement récupéré, bien qu’il fût brisé en des centaines de fragments. Après avoir été étudié et restauré, une partie du pavement et son motif central sont aujourd'hui exposés au Musée archéologique de Piombino.

Le Nymphée
Sur la terrasse supérieure des Loggias, les fouilles ont mis à jour les vestiges d'une fontaine monumentale et bien conservée dédiée aux nymphes. Deux niches creusées côte à côte, avec des murs autrefois décorés de coquillages, recréaient un environnement marin, évoqué par l'une des deux mosaïques découvertes par hasard par un paysan. Cette mosaïque représentait une mer sombre, peuplée de poissons et de coquillages, et elle était rehaussée par un effet illusionniste créé par de l’eau qui coulait vraiment à sa surface, avant d’être canalisée dans les cavités creusées sous les niches. L'hypothèse est que cette fontaine monumentale abritait un sanctuaire dédié à Vénus, déesse de l'amour et de la beauté. Cette hypothèse pourrait être validée par la présence de la scène de naufrage qui se trouve sur la mosaïque : un bateau avec trois marins à bord est sur le point d'être emporté par les vagues. L'un des trois marins lève le bras vers le ciel en direction de ce qui, à première vue, ressemble à un mollusque. Si nous observons la scène à l'envers, en nous plaçant à l’intérieur de celle-ci, le mollusque prend alors l'apparence d'une colombe, oiseau consacré à Vénus. L'hypothèse est que cette représentation soit un ex-voto à la déesse, protectrice des navigateurs, offerte par quelqu’un qui avait échappé à un naufrage.

Le complexe des thermes
Sur la Terrasse des Loggias, les archéologues ont aussi mis au jour l'un des plus anciens édifices thermaux de l'Étrurie septentrionale, remarquablement préservé et atteignant une hauteur inhabituelle. L'hypothèse est qu'il s'agisse de thermes publiques liées aux activités du Sanctuaire des Loggias, dédié à Vénus. On y accédait par un étroit couloir pourvu de deux portes. La dernière donnait accès à la salle dédiée au bain en eau froide, dont le bassin en terre cuite est encore intact. La pièce était pavée en opus spicatum, soit au moyen de petites briques en terre cuite disposées en chevrons. De cette salle, on accédait au tholos, espace dédié au sauna, et à partir d'un petit couloir pavé en mosaïque à carreaux, on entrait dans le caldarium, la pièce destinée au bain chaud. Du caldarium, il ne reste que les murs avec leurs niches de rangement, et le plan sur lequel étaient disposés, à intervalles réguliers, les piliers en briques qui soutenaient le pavement en mosaïque polychrome retrouvé en morceaux par les archéologues. Le carrelage en mosaïque avait été brisé intentionnellement, afin de récupérer les briques sous-jacentes, de bonne qualité, qui avaient été placées sous le pavement pour créer la cavité à travers laquelle la chaleur partait du grand foyer, le praefurnium, et était ensuite canalisée. Ce système est appelé hypocauste. Le fourneau était situé dans une pièce de service adjacente au caldarium, mais séparée de celui-ci et non accessible. C'est dans cet espace que le personnel des thermes travaillait, s'occupant du feu et de l'approvisionnement en bois, charbon et eau. Même le bassin destiné au bain chaud, situé très près du grand fourneau, avait été détruit pour récupérer le métal qui le recouvrait. L'une des niches du caldarium, conserve encore une extraordinaire mosaïque polychrome, représentant deux bustes d'Éthiopiens. Leurs vêtements de couleur turquoise, fixés par une broche en or, laissent entendre qu'ils ne s’agit pas d’esclaves servant dans les thermes, mais plutôt de personnages liés à la sphère du culte de Vénus.

Le système défensif de Populonia
Populonia est la seule cité étrusque fondée en bord de mer, et la vue que vous pouvez admirer d'ici nous raconte que les îles de l'archipel toscan que vous pouvez apercevoir à l'horizon étaient des territoires appartenant à la cité antique, ainsi que la portion de mer qui les séparait. C’est de la mer que provenait sa richesse. Le minerai d'hématite de l'île d'Elbe arrivait sur de grands navires rapides, tout d'abord au port puis aux quartiers industriels de la cité pour être transformé en fer, dont on faisait des armes et des outils destinés aux activités agricoles et productives. La cité haute était protégée par une imposante enceinte murale en œuvre polygonale de blocs d’un grès très résistant appelé « macigno », soit « roc » . L’enceinte suivait l’orographie du promontoire, s’étendant sur un circuit d'environ 2,5 kilomètres et délimitant les coteaux du Château et du Télégraphe. Les murailles de la cité formaient un système de fortification complexe, composé des soi-disant « mura alte », les hautes murailles, qui protégeaient l'acropole, le cœur de la cité et le siège des édifices publics et sacrés, ainsi que des « mura basse », les murailles basses, qui enfermaient la cité depuis le golfe de Baratti jusqu'à la Cala S. Quirico. Les deux circuits de murailles étaient reliés par les « Mura di raccordo », ou remparts de liaison, que l’on peut peut-être identifier avec la structure conservée à Poggio della Guardiola. Il s'agit d'un large chemin de ronde délimité latéralement par des murs, sur le modèle des systèmes de galeries défensives plus complets et monumentaux du IVe-IIIe siècles avant notre ère, réalisés à Cumes, Syracuse et Sélinonte. La datation de ce système défensif demeure incertaine. À l'origine, on pensait que les « hautes murailles » avaient été construites entre le VIe et le Ve siècle avant notre ère, comme cela a été attesté dans d'autres cités étrusques florissantes de la même époque. La construction des murailles pourrait être liée à la situation de grande instabilité qui prévalait dans la mer Tyrrhénienne, à cause d’incessantes incursions syracusaines et puniques. Les « murailles basses » auraient quant à elles été érigées au IVe siècle avant notre ère afin de protéger l'agglomération qui s'était développée entre les « hautes murailles » de Populonia et les quartiers industriels et portuaires, situés près de Baratti. Les récentes recherches archéologiques liées à la réalisation du trajet que vous êtes en train de parcourir en ce moment, ont en fait révisé cette hypothèse, datant l'ensemble de la structure défensive de Populonia entre la fin du IVe et le début du IIIe siècle avant notre ère, soit à une époque où Populonia est déjà sous l'orbite de Rome, qui était sur le point de conquérir l'Étrurie toute entière. Les fouilles archéologiques menées jusqu'aux couches de fondation des murailles ont en effet restitué des fragments de céramique datant de la fin du IVe siècle et même du début du IIIe siècle avant notre ère, ce qui signifie que les murailles ont été construites à partir de cette date et pas avant. Outre la céramique, l'analyse des remparts et de la technique de construction a confirmé la nouvelle datation. En particulier : 1) Les murailles présentent des portes d'accès dites « à tenaille », typiques des IVe et IIIe siècles avant notre ère ; 2) Le circuit de l’enceinte extérieure présente ce que l’on appelle un « antemurale », soit une sorte de barricade supplémentaire, d’une largeur d'environ 1,70 m, construite pour favoriser le déplacement des troupes de défense, et surtout pour empêcher l'approche des machines de siège, comme les béliers, aux remparts. L' « antemurale » est visible immédiatement à gauche après la passerelle; 3) La technique de construction et de finition de la surface, conçue pour éviter tout point d’ancrage en faveur des assaillants, rappelle les murailles construites à la même époque à Vetulonia, Cortona et Fiesole, soit dans les dernières décennies du IVe siècle avant notre ère. Les murailles avaient une épaisseur allant jusqu'à 3 mètres et, comme on peut le constater dans la partie la mieux conservée, ils mesuraient environ 5 mètres et demi de hauteur.